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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

tu ne maltraites pas mon chien, si jamais tu le rencontres ; car je suppose que le cornet de l’Anglais l’a déjà terriblement puni de son manque de fidélité. — Troisièmement, je veux que le récit de mes souffrances à Paris soit publié, sauf à taire mon nom, pour servir d’avertissement à tous les fous qui me ressemblent. Enfin, je veux un enterrement décent, mais sans éclat et sans foule. Peu de personnes suffiront à m’accompagner. Tu trouveras dans mon journal leur nom et leur adresse. Les frais de l’enterrement seront supportés par eux et par toi. — Amen.

— Maintenant, reprit le mourant après une interruption que rendit nécessaire son affaiblissement de plus en plus sensible, maintenant, un dernier mot sur ma croyance : Je crois à Dieu, à Mozart, à Beethoven, ainsi qu’à leurs disciples et à leurs apôtres ; je crois au Saint-Esprit et à la vérité d’un art un et indivisible ; je crois que cet art procède de Dieu, et vit dans les cœurs de tous les hommes éclairés d’en haut ; je crois que celui qui a goûté une seule fois les sublimes jouissances de cet art, lui est dévoué pour toujours, et ne peut le renier ; je crois que tous peuvent devenir bienheureux par cet art, et qu’il est en conséquence permis à chacun de mourir de faim en le confessant ; je crois que la mort me donnera la suprême félicité ; je crois que j’étais sur la terre un accord dissonant qui va trouver dans la mort une pure et magnifique résolution ; je crois