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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

conduisaient à l’endroit où je passais ordinairement la nuit. Il faisait un beau clair de lune. De temps à autre je jetais autour de moi des regards inquiets. Je crus remarquer avec effroi que la longue silhouette de l’Anglais me poursuivait. Je doublai le pas avec un surcroît d’anxiété. Tantôt j’apercevais le fantôme, tantôt je le perdais de vue. Enfin j’atteignis tout tremblant mon asile. Je donnai à manger à mon chien, et m’étendis sans souper sur un lit bien dur. Je dormis longtemps, et fis des rêves horribles. Quand je m’éveillai, mon beau chien avait disparu. Comment s’était-il échappé, ou plutôt comment l’avait-on attiré de l’autre côté de la porte mal fermée d’ailleurs ? c’est ce que je ne puis comprendre encore aujourd’hui. J’appelai, je le cherchai jusqu’à ce que je tombasse en sanglotant. Tu te rappelles qu’un jour je revis l’infidèle dans les Champs-Élysées ; tu sais quelles peines je me donnai pour le reprendre, mais tu ne sais pas que l’animal me reconnut bien, et que lorsque je l’appelai, il s’enfuit loin de moi comme une bête fauve. Je ne l’en poursuivis pas moins, et avec lui le cavalier satanique, jusqu’à la porte cochère où celui-ci se précipita, et qui se referma en criant sur lui et sur le chien. Dans ma rage, je fis à la porte un bruit de tonnerre. Des aboiements furieux furent la seule réponse que je reçus. Épuisé et presque abruti, je fus forcé de m’asseoir jusqu’à ce que je fusse tiré de mon