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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

de l’art ! Nous allons cette fois chez Musard ! Rempli de rage, je ne pus trouver que cette exclamation : — Au diable ! — Ah ! oui, répondit-il, cela doit être diabolique. J’ai ébauché dimanche dernier une composition que je dois offrir à Musard. Connaissez-vous Musard ? Voulez-vous me présenter à lui ? — Mon horreur pour ce spectre se changea en une angoisse sans nom. Surexcité comme je l’étais, je réussis à me dégager de lui et à m’enfuir vers le boulevard. Mon beau chien courait en aboyant à mon côté. En un clin d’œil l’Anglais était auprès de moi, m’arrêta, et me dit avec un accent d’exaltation : — Sire, ce beau chien est-il à vous ? — Oui. — Oh ! cela est très bien, monsieur ; je vous compte pour ce chien cinquante guinées ! Savez-vous que c’est la mode pour les gentlemen d’avoir des chiens de cette espèce ? Aussi j’en ai déjà possédé une quantité innombrable. Malheureusement, ces animaux étaient tous anti-musiciens : ils n’ont jamais pu souffrir que je jouasse de la flûte ou du cor, et se sont toujours enfuis de chez moi pour cette cause. Mais je dois supposer, puisque vous avez le bonheur d’être musicien, que votre chien est aussi organisé pour la musique. C’est pourquoi je vous en offre cinquante guinées. — Misérable ! m’écriai-je, je ne vendrais pas mon chien pour la Grande-Bretagne tout entière ! Et je me mis là-dessus à courir, mon chien courant devant moi. Je louvoyai dans les rues de traverse, qui