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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

bâtisse, en dépit de son chétif extérieur, n’avait pas manqué de se compléter de cinq étages. Cette condition avait dû, selon toute apparence, influer favorablement sur la détermination de mon misérable ami, et je fus ainsi forcé de me guinder au haut d’un escalier en échelle à donner le vertige. La chose en valait pourtant la peine, car en demandant mon ami, l’on m’indiqua une petite chambre sur le derrière. Or, si, de ce côté moins favorisé de cette respectable masure, il fallait renoncer à la vue de la rue gigantesque, large de deux mètres, on en était dédommagé par la perspective qui s’étendait sur tout Paris. Ce fut donc en présence de cet aspect magnifique, mais sur un lit de douleur, que je trouvai mon malheureux enthousiaste. Son visage, son corps tout entier était infiniment plus amaigri, plus creusé que le jour de notre rencontre aux Champs-Élysées ; l’expression de sa pensée était néanmoins bien plus satisfaisante qu’à cette époque. Le regard farouche, sauvage et presque insensé, la flamme indéfinissable de ses yeux, avaient disparu. Son regard était mat et presque éteint : les affreuses taches foncées de ses joues semblaient s’être dissoutes dans la consomption générale.

Tremblant, mais avec une expression calme, il me tendit la main en disant : « Pardonne-moi, cher ami : merci d’être venu. »

Le ton étrangement tendre et sonore avec