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UN MUSICIEN ÉTRANGER À PARIS

aussi bien que son superbe compagnon. Il me fut impossible de les rejoindre.

Dès les premiers jours qui suivirent notre séparation, quand je vis échouer successivement toutes mes tentatives pour découvrir la demeure de mon ami, je pus me convaincre profondément combien j’avais eu tort de n’avoir pas su combattre les nobles susceptibilités d’un esprit si hautement enthousiaste avec de meilleures armes qu’avec les objections si froides, si désespérantes, et à tout prendre peu sincères que j’avais constamment opposées aux projets qu’il me confiait avec une candeur toute naïve. Dans la louable intention de l’effrayer autant que possible afin de le détourner de ses projets, parce que je savais à n’en pas douter qu’il n’était nullement homme à suivre avec succès la route qu’il prétendait se tracer, dans cette louable intention, dis-je, j’avais perdu de vue que je n’avais pas affaire à un de ces esprits légers et flexibles qu’il est facile de convaincre, mais bien à un homme qu’une foi ardente dans la divine et incontestable vérité de son art avait amené à un tel degré de fanatisme que, de doux et pacifique qu’il était naturellement, son caractère était devenu d’une roideur et d’une opiniâtreté à toute épreuve. Assurément, pensais-je en moi-même, il erre maintenant dans les rues de Paris avec la ferme confiance qu’il doit arriver à ce point de n’avoir plus qu’à choisir, entre tous ses projets, celui qu’il mettra