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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

un talent inconnu. Mon bon, mon excellent ami, as-tu encore quelque autre projet ?

Ici, mon enthousiaste fut réellement hors de lui. Il s’éloigna de moi vivement et avec colère, quoique non sans ménagement pour son chien qui, cette fois, ne cria pas. — Et maintenant, s’écria-t-il, quand mes autres plans seraient aussi innombrables que les grains de sable de la mer, je ne voudrais plus t’en confier un seul ! Railleur impitoyable, sache pourtant que tu ne triompheras pas ! Mais, dis-moi, je ne veux plus t’adresser que cette seule question, apprends-moi donc de quelle manière ont débuté tous ces grands artistes à qui il a bien fallu pourtant commencer par se faire connaître, et qui ont fini par arriver à la gloire !

— Va le demander à l’un d’eux, lui répondis-je froidement ; peut-être apprendras-tu ce que tu désires savoir. Quant à moi, je l’ignore.

— Ici ! ici ! cria-t-il vivement à son chien. Tu n’es plus mon ami, me cria-t-il avec emportement. Malgré ta froide raillerie, tu ne me verras pas faiblir ! Dans un an, rappelle-toi bien mes paroles ; dans un an, tu pourras apprendre le lieu de ma demeure par la bouche du premier gamin venu, ou j’aurai soin de t’informer du lieu où il faudra que tu viennes pour me voir mourir

Puis, il siffla son chien d’une manière aigre et perçante, et disparut avec la rapidité de l’éclair,