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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

d’ailleurs son talent. Tes deux projets sont bons comme moyens de soutenir et d’augmenter une gloire déjà acquise, mais nullement de commencer une réputation. Ou l’on te laissera te morfondre à attendre en vain l’exécution de ta musique instrumentale, ou bien, si tes compositions sont conçues dans cet esprit audacieux et original que tu admires dans Beethoven, on ne manquera pas de les trouver boursouflées et incompréhensibles, et l’on se débarrassera ainsi de toi avec ce beau jugement. (Le lecteur voudra bien ne pas oublier, etc.)

— Mais ce reproche, me dit-il, si j’avais eu soin de m’y soustraire d’avance ? Si, dans cette prévision, pour prendre mes précautions contre un public superficiel, j’avais eu soin de broder plusieurs morceaux de ces enjolivements légers et modernes que j’abhorre, il est bien vrai, du fond du cœur, mais auxquels les meilleurs artistes ne dédaignent pas d’avoir recours pour assurer leurs succès ?

— Alors on te donnera à entendre que tes œuvres sont trop légères ou trop insignifiantes pour être offertes au public à côté de celles d’un Beethoven ou d’un Musard. (Le lecteur voudra bien ne pas oublier, etc.)

— Ah ! monsieur le mauvais plaisant, s’écria mon ami ; c’est bien, c’est bien ; je vois enfin que maintenant ton seul but était de te moquer de moi ! Tu es et tu seras toujours un drôle de corps