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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

Elle est menacée de succomber. Mais l’idée surhumaine, divine, qui illumine son âme relève de nouveau son héroïque résolution, soutient ses forces jusqu’au bout ; par un effort suprême, immense, elle surmonte les derniers obstacles, arrache la dernière pierre qui mure l’entrée du cachot ; les puissants rayons du soleil vont éclater dans les ténèbres: Liberté ! liberté ! s’écrie la rédemptrice ; Liberté ! s’écrie le captif délivré. Voilà l’ouverture de Léonore comme l’a faite Beethoven. Elle est dominée dans tout son cours par l’infatigable animation du progrès dramatique, par l’ardent désir d’accomplir une tâche sublime.

Cet ouvrage est cependant unique en son genre, et, comme je l’ai déjà dit, ne saurait plus être appelé ouverture, tant que nous entendrons par ouverture un morceau dont la seule destination est d’être exécuté avant le drame et de disposer l’auditeur à en comprendre le caractère particulier. D’ailleurs, comme je ne traite point ici d’œuvre d’art en général, mais seulement de ce qui doit être la véritable destination de l’ouverture prise dans son sens exact, celle de Léonore ne doit pas être admise comme règle, parce qu’elle offre par avance le drame complet, dans son mouvement ardent et précipité. Il en résulte qu’elle risque de ne pas être comprise des auditeurs, s’ils ne possèdent ni une grande dose d’imagination ni la connaissance anticipée de l’action scé-