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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

dance triste ou gaie du sujet. Ces ouvertures étaient courtes, consistaient souvent en un seul mouvement lent, et l’on peut retrouver les exemples les plus frappants de ce mode de construction, quoique étendu considérablement, dans les oratorios de Haendel. Le libre développement de l’ouverture fut paralysé par cette fâcheuse circonstance qui arrêtait les compositeurs dans les premières périodes de la musique, à savoir l’ignorance où ils étaient des procédés sûrs par lesquels on peut, à l’aide des hardiesses légères et des successions de fraîches nuances, étendre un morceau de musique de longue haleine. Cela ne leur était guère possible qu’au moyen des finesses du contre point, la seule invention de ces temps qui permît à un compositeur de dévider un thème unique en un morceau de quelque durée. On écrivait des fugues instrumentales ; on se perdait dans les détours de ces curieuses monstruosités de la spéculation artistique. La monotonie et l’uniformité furent les produits nets de cette direction. Ces sortes de compositions étaient surtout impuissantes à exprimer un caractère déterminé et individuel. Haendel lui-même ne paraît pas s’être aucunement soucié que l’ouverture s’accordât exactement avec la pièce ou l’oratorio. Il est par exemple impossible de pressentir par l’ouverture du Messie qu’elle doit servir d’introduction à une création aussi fortement caractérisée, aussi sublime que l’est ce célèbre oratorio.