Page:Wagner - Art et Politique, 1re partie, 1868.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 71 —

et que les Français soient déjà parvenus à exécuter sa meilleure musique mieux que lui, comment lui faire comprendre que, sans l’heureuse poursuite d’une tendance dramatique, foncièrement différente de la tendauce actuelle, le goût musical alemand, l’esprit même de la musique allemande doit tomber au même degré de corruption où se trouve le théâtre ?

Des classes artistiques qui agissent par une excitation indirecte sur l’esprit de la nation, tournons-nous vers les représentants de l’éducation publique, aux soins immédiats desquels cette éducation est confiée.

Comment l’école se comporte-t-elle envers le théâtre ? Au siècle passé, lorsque l’école était étouffée par le pédantisme le plus complet, par ce que nous appelons aujourd’hui « perruque », on en vit sortir un Winckelmann, un Lessing, un Wieland et un Gœthe. Lessing, lorsqu’il se jeta sur le théâtre, fut mis entièrement au ban de l’école ; et pourtant on ne peut s’imaginer Lessing sans la culture reçue précisément dans cette école. Cela s’explique : dans l’école régnait encore le principe classique des humanités, qui avait engendré les phénomènes et les mouvements de l’époque de la Renaissance et de la Réforme. Le classicisme grec et romain formait le fondement de ces écoles dans lesquelles l’utile était à peine connu et représenté. En dépit du caractère de sécheresse et d’aridité que prirent aussi les études classiques au temps du plus grand dépérissement de l’esprit allemand, les écoles conservèrent les éléments de la belle culture humaine de l’ère moderne, à peu près comme, à l’époque de la floraison de l’humanisme classique, les maîtres chanteurs de Nuremberg avaient gardé l’ancienne poésie allemande. Ce fut une belle période que celle où Gœthe,