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dance de se plier aux convenances de la scène ? Aussi, quelle est son unique plainte au sujet du théâtre ? C’est qu’il ne peut y arriver à rien de bon, parce qu’il a affaire à l’écrasanle concurrence française ; il souhaite du patriotisme au théâtre, pour qu’on écarte par des droits protecteurs les pièces françaises à effet, toujours incomparablement mieux faites que ses propres imitations. Il ne conçoit rien d’autre, quand on parle de réforme du théâtre. Avons-nous à nous tourner vers lui pour obtenir du secours ? Pourra-t-il seulement nous comprendre ?

C’est une entreprise plus difficile encore de convaincre en détail l’artiste plastique de l’influence pernicieuse qu’exerce sur son art le théâtre, dont il se croit très-éloigné : aussi le laisserons-nous de côté pour le moment et nous occuperons-nous du musicien. — De quoi se plaint le musicien allemand ? En premier lieu, de ce qu’il n’arrive à rien en dehors des salles de concerts, — en quoi il reconnaît qu’il se conduit à l’égard du théâtre exactement comme le littérateur, c’est-à-dire que, depuis qu’il a renoncé à la composition d’opéras impropres au théâtre et cherché à imiter l’opéra parisien, il reste embourbé dans la concurrence avec l’original, à cause de la maladresse de son imitation, et, par conséquent, appelle aussi de ses vœux des administrations théâtrales patriotiques ; tout alors irait autrement, et il parviendrait à quelque chose. Mais le musicien allemand a encore un bien autre sujet de plainte, qu’il pourrait s’expliquer seulement par l’abandon du théâtre allemand, s’il pouvait s’expliquer quelque chose de cette nature. D’où vient, en fait de goût musical, ce stupide manque d’assurance de la part du public allemand, qui, d’ailleurs, est réellement le public