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théâtre dès le début de la réaction contre l’esprit allemand : il se jeta sur le drame littéraire, non destiné à la scène, ou impropre à la représentation. C’était une première déchéance ; car Schiller était devenu notre plus grand poète dramatique par son respect des exigences théâtrales. Lorsque ensuite le dramaturge se retourna vers le théâtre, celui-ci lui était devenu étranger, et différait totalement du théâtre de Schiller ; la pièce française à effet y régnait alors ; l’imiter aussi fidèlement que possible, s’approprer avant tout et complètement la manière adroite de Scribe, telle fut désormais la règle. En outre, on transporta sur la scène des articles de journaux à propos des intérêts du jour et, comme on disait, des tendances de l’époque ; la parole incisive du tribun, tombant des lèvres de l’acteur aimé, provoquait les applaudissements immanquables du public. En somme, contrefaçon de l’étranger et falsification du drame, réagissant sur la littérature, dépenaillement théâtral-journalistique. Nous aurons à nous enquérir auprès du polilique, de l’homme d’État, des conséquences de ceci sur l’esprit du peuple, nourri de la lecture de journaux ; mais nous profitons de cette occasion pour demander encore une fois à l’artiste plastique quelle incitation il pouvait recevoir du modèle qui s’offrait à lui ainsi préparé par la scène, et de la vie publique influencée par elle ? Comment le poète qui, par ce théâtre, est dégénéré en mauvais et gauche écrivain de pièces à effet, nous dirait-il que le théâtre l’a gâté et nous indiquerait- il le moyen de remédier à la corruption théâtrale, alors que d’autre part, il continue, dans sa préoccupation, à se faire une si haute idée de son existence littéraire, qu’il considère comme une condescen-