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culer devant la publication de son chef-d’œuvre. Or, c’est précisément sur ce Faust que l’abjection théâtrale accomplit sa vengeance

Le génie allemand s’éleva à deux points culminants dans ses deux grands poètes : l’idéaliste Schiller atteignit la perfection dans les profondeurs de la nature populaire germanique ; après avoir parcouru le cercle splendide de l’idéalité jusqu’à la glorilication du dogme catholique dans Marie Stuart, il retourna avec une bienveillance majestueuse au point d’où Gœthe était parti dans Gœtz, et, dans son Guillaume Tell, il arriva du coucher au lever plein d’espérance du soleil de la noble humanité allemande. — Du gouffre sans fond des aspirations sensuelles-immatérielles, Gœthe s’éleva jusque sur les hauteurs saintement mystiques d’où il porta son regard sur l’auréole de la Rédemption ; avec ce regard, qu’aucun visionnaire ne pouvait plonger plus fervemment dans cette région inaccessible, le poète se sépara de nous et nous laissa son testament dans Faust.

Deux points marquent également les phases de l’abaissement du théâtre allemand : ils s’appellent Guillaume Tell et Faust.

Dans les premières années qui suivirent 1830, vers le milieu de « l’actualité », l’esprit allemand, excité par la révolution de Juillet, sembla disposé à sortir un peu de sa torpeur. On faisait çà et là quelques concessions ; le théâtre voulut en avoir sa part. Le vieux Gœthe vivait encore ; des littérateurs obligeants eurent l’idée de mettre son Faust au théâtre. Cette tentative déraisonnable en elle-même, fût-ce dans de meilleures conditions scéniques, ne pouvait aboutir qu’à montrer d’autant plus clairement dans quelle décadence se trouvait déjà le