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d’action. La fréquentation des coulisses appartenait exclusivement à l’aristocratie ; en revanche, les coulisses, avec tout ce qui se trouvait derrière, furent livrées, dans le café ou la taverne, à la population de la ville. La participation à ce qu’on y apprenait chassa bientôt tout intérêt. Un mariage de théâtre, une nouvelle amourette, une contestation à propos de la distribution d’un rôle, la question de savoir si l’on serait « rappelé », une augmentation d’appointements, le chiffre de la somme accordée à l’auteur en représentation, — tels furent les objets importants sur lesquels se porta l’attention, l’intérêt passionné de la publicité et de la clandestinité générales de toutes les villes dans lesquelles le théâtre permanent avait pris pied, surtout sous la protection des cours. Alors vinrent les favoris et leurs rivaux, les luttes entre eux et les luttes pour eux. Les bons mots des cabotins passèrent pour de l’esprit ; l’argot des coulisses devint la langue du public et du journalisme. Gœthe avait déploré, au point de vue du théâtre, l’amélioration des universités, parce qu’il n’y aurait plus désormais qu’un petit nombre d’étudiants de douzième année qui, ayant été plus ou moins en contact avec une culture supérieure de l’esprit, fourniraient encore au théâtre un contingent convenable ; à présent, le commis de magasin qui possède un menton rasé et une certaine volubilité de comptoir se croit propre à réussir au théâtre. Si Gœthe avait pu prévoir dans quelles mains tomberait le commerce allemand et par suite chez quelle nationalité à part notre théâtre se recruterait un jour, il n’eût pas même laissé imprimer son Faust en volume ; car la ressemblance, même la plus éloignée, avec une pièce de théâtre l’aurait fait re-