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grand-duc de Weimar de lui montrer les fameux étudiants d’Iéna,— ou bien arrive-t-il qu’un jeune prince ou même le souverain en personne montre un faible de quelque côté classique, voilà qu’on tombe enfin dans le chaos. On demande des conseils littéraires aux critiques, on prend des savants pour poètes, on se sert d’architectes pour décorateurs ; tous se donnent la main et se témoignent la plus haute considération réciproque ; le théâtre de cour devient le Panthéon de l’art moderne. Tous se groupent autour de l’heureux mime qui se sent maintenant autorisé à divaguer sur l’art et le classicisme. Un signe furtif, un clin-d’œil de l’intendant l’avertit, à la vérité, que tout cela n’est pas aussi dangereux que cela en a l’air : mon Dieu ! tous ceux qui bavardent sur l’art semblent ne pas se douter de quoi il s’agit au fond pour Leurs Seigneuries. Il le sait, lui ! — Mais l’abonné, le spectre, est-ce qu’on ne parviendra pas à le mettre à la raison ? — On n’a rien contre Schilleret Gœthe ; au contraire, on leur adjoint même tous les poètes classiques en remontant jusqu’à Sophocle ; seulement, il ne faut pas exiger du comédien qu’il apprenne convenablement par cœur tout ce fatras qu’en définitive on ne peut rejouer que très-rarement, comme, hélas ! tout le reste aussi, avec cette différence que le reste est plus facile à retenir et peut fort bien être joué « au souffleur ».

L’âge d’or était donc venu pour le mime ; il se sentait à couvert, il pouvait chômer et paresser. En sortant, souvent même avant la fin, de la répétition fatigante et excessivement désagréable, il se rendait au café ; avant la représentation, le billard et les quilles ; après la représentation, la taverne : tel était son véritable cercle