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Paris, où chaque nouvelle pièce peut être jouée plus de cent fois de suite devant un public énorme et toujours différent, on ne représente pas autant d’ouvrages en une année que le théâtre d’une petite capitale allemande, avec son public restreint, en consomme en un seul mois. De ce vice capital et fondamental du système théâtral moderne de l’Allemagne, de l’obligation d’avoir à amuser chaque soir un seul et même public, inconvénient d’où devait résulter d’autre part le bousillage le plus ridicule, est sortie la Némésis appelée à châtier toute cette entreprise coupable, comme aussi la dernière chance de salut d’une ruine totale.

Ce qu’on attendait du théâtre en le plaçant sous l’administration immédiate et luxueuse des cours fut aussi atteint par l’influence démoralisatrice qui devait nécessairement s’étendre de là sur les théâtres communaux, plus ou moins industriels. Les directions de ces théâtres secondaires, la plupart non-subventionnés, uniquement destinés à la spéculation, avaient dû chercher à tirer parti de la fréquence des représentations en s’emparant de tout ce qui offrait seulement de la variété. De cette façon, le répertoire allemand s’accrut d’une énorme quantité de pièces appartenant à tous les temps et à toutes les nations. Or, comme à différentes époques et dans différentes langues, on a écrit beaucoup de pièces excellentes, celles-ci naturellement arrivaient au jour avec les autres. À la longue, les grands théâtres de cour se trouvèrent exactement dans la même situation. Ce spectre effroyable qu’on appelle finances, et dont Frédéric-le-Grand voyait dans l’avenir la papauté même menacée d’une façon inquiétante, apparut aussi aux intendances des théâtres de cour. Déjà l’institution de