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pouvoir politique. Cette influence s’exerça surtout au moyen de la nouvelle et séduisante position sociale que l’on assigna au théâtre. Les princes, en opposition complète avec l’esprit de leur peuple, n’avaient entretenu jusque-là, pour l’amusement de leurs cours, que des troupes italiennes et françaises d’opéra, de ballet et de comédie ; la pièce allemande, récitée ou chantée, n’avait été représentée que dans de misérables baraques, devant le véritable public, par des troupes besogneuses, la plupart ambulantes, dirigées par des industriels. Au sein de ces troupes se constitua le métier du théâtre, dans le bon et dans le mauvais sens. Or, comme tout prenait alors un essor plus noble et plus élevé sous l’impulsion de la régénération de l’esprit artistique allemand, les autorités communales et princières, ayant à leur tête des hommes bien disposés et amis des arts, conçurent l’idée d’étendre aussi leur sollicitude à ces troupes dans lesquelles se montraient des talents étonnamment sérieux. L’ardent empereur d’Autriche, Joseph II, avait donné un bel exemple (le plus puissant moyen d’action des grands princes !) ; le premier théâtre national de cour avait été érigé à Vienne ; dans ses deux divisions, il comprenait, conjointement avec l’opéra et le ballet, le drame allemand, joué par de bonnes troupes permanentes à la solde de l’empereur. Pendant un certain temps, l’Allemagne dut à cette première fondation son meilleur théâtre de comédie, grâce à la longue culture et à la conservation du vrai-nature particulier aux Allemands, jusqu’au moment où cette tendance qui, à la vérité, n’avait jamais été dirigée elle-même vers l’idéal, mais qui avait maintenu la base sur laquelle on peut y arriver, se relâcha et s’altéra