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tomber dans l’exagérationu et l’affectation par la récitation des iambes, auxquels les pièces bourgeoises ne les avaient pas habitués ; pour demeurer fidèles à eux-mêmes dans cette voie nouvelle, ils préférèrent transcrire d’abord ces iambes en prose comme étude, et ainsi, après avoir assuré l’accent naturel du discours, marcher pas à pas dans l’appropriation du pathos rhythmique — à peu près comme il serait raisonnable que, dans l’opéra, les chanteurs apprissent d’abord à bien parler le texte, si trivial qu’il fût, avant de commencer les exercices du chant. En avançant dans cette phase de développement des comédiens allemands, le danger, qui, au fond, n’était pas sans charmes, consistait uniquement à laisser dégénérer, dans la passion, le naturel en violence grotesque, ii tomber sous les sens d’une manière par trop vraie. Gœthe, et Schiller d’intelligence avec lui, eurent recours, pour dompter ces emportements, au même moyen que les législateurs du théâtre français avaient employé continuellement pour en bannir le naturel une fois pour toutes. Il est très-instructif de voir comment Benjamin Constant s’exprime à cet égard dans ses Réflexions sur le théâtre allemand : il admire beaucoup le vrai dans le théâtre allemand, parce qu’il l’y trouve employé avec une pureté et une fidélité si grandes, avec une délicatesse si consciencieuse ; mais il croit devoir le tenir pour illicite, transplanté chez les Français, parce que, d’un côté, ceux-ci ne visent qu’à l’utile, c’est-à-dire à l’effet théâtral, et que, d’autre part, il y a dans l’emploi du vrai un si puissant moyen d’effet, que, si on le livrait à leur discrétion, ils n’appliqueraient plus que de semblables effets, et qu’au milieu de leurs exagérations dans ce sens, on