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VIII

En indiquant, entre le mime qui se borne à imiter et l’artiste qui reproduit et crée réellement, un rapport analogue à celui qui existe entre le singe et l’homme, nous étions aussi éloignés que possible de vouloir jeter sur le caractère du premier une déconsidération quelconque. Si l’artiste rougissait de passer pour un mime devenu capable de reproduire la nature après l’avoir d’abord imitée, l’homme n’aurait pas moins à rougir de se retrouver dans la nature à titre de singe raisonnable ; en quoi il agirait très-sottement et prouverait qu’il n’a pas encore porté bien loin les qualités qui le distinguent du singe déraisonnable.

L’analogie qui précède devient lumineuse en ce que, notre descendance du singe étant admise, nous avons à nous demander pourquoi la nature n’a pas fait son dernier pas, de l’animal à l’homme, en passant par l’éléphant ou le chien, chez qui nous trouvons des facultés intellectuelles plus développées que chez le singe. À cette question, nous pourrions répondre, très-utilement pour notre but, par une autre question : Pourquoi d’un savant ne peut-on tirer un poète, d’un physiologiste un sculpteur ou un peintre, ou, en rappelant la réponse donnée par une jolie bouche à un czar, pourquoi ne peut-on faire d’un conseiller d’État russe une danseuse de ballet ?

Il y a, dans la décision prise par la nature de choisir le singe pour faire le dernier et le plus important de ses pas, un mystère qui provoque à de profondes réflexions :