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d’anciens styles jadis pleins de vie, ou, s’ils ont besoin pourtant du modèle, que celui-ci est devenu un tout autre être dans cette école universitaire des esclaves marrons, et qu’il a appris à se comporter tout autrement qu’il ne convient au but de leur art ? Que leur reste-t-il à faire, sinon de dévoiler clairement, par leurs propres créations, l’énorme influence du théâtre ? Car, ou bien le théâtre se desséchera complètement, à défaut d’une source de rénovation vraiment abondante, ou bien, s’il parvient à avoir une action, sa constitution artistique adoptera précisément cette manière à effet qu’on appelle présentement théâtrale dans un mauvais sens légitime. Et qu’indiquons-nous donc, en somme, dans la gesticulation du particulier, dans la laideur du costume, dans les discours et même dans la manière d’agir de l’étudiant comme de l’homme d’État, enfin dans l’art comme dans la littérature, qu’indiquons-nous par le terme méprisant de théâtral ? Nous désignons par là une débilitation, une défiguration du goût public, une corruption émanée du théâtre actuel ; mais en même temps, comme le théâtre, à cause de son action populaire, exerce aussi son influence irrésistible du goût sur les mœurs, nous indiquons par là une décadence profonde de la moralité publique ; l’arrêter est sans doute une tentative noble et sérieuse ; mais on ne peut compter sur le succès qu’en considérant le théâtre lui-même d’une manière sérieuse et digne.

Il est inutile d’en dire davantage pour le moment sur la puissance du théâtre ; nous ne pourrons connaître les moyens de nous en emparer qu’après en avoir saisi exactement toute l’étendue, ce que nous ferons seulement quand nous l’apprécierons sans mépris injuste de l’art mimique lui-même.