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à ses solennités par l’introduction d’un élément populaire ; si les grands Espagnols avaient réellement créé le drame moderne sur le sol ainsi préparé et si le merveilleux Anglais l’avait rempli de la substance de toutes les formes de la vie humaine, nos grands poètes allemands eurent les premiers conscience de l’importance de cette nouvelle création, pour tendre la main par dessus les siècles à Eschyle et à Sophocle.

Ainsi revenus à la source de toute rénovation et de toute fécondation de l’art véritable, éducateur du peuple, nous demandons : Voulez-vous de nouveau boucher cette source, la changer en mare croupissante pour la nourriture de la vermine ? Le seul progrès réel dans le développement de l’art régénéré a été de s’avancer jusqu’à ce théâtre de nos plus grands poètes ; ce qui l’a retardé chez les Italiens, ce qui l’a complètement détourné, l’invention de la musique moderne, est enfin devenu — grâce encore une fois aux seuls grands maîtres allemands — le dernier élément possible de la naissance d’un art dramatique, dont les Grecs ne pouvaient encore soupçonner l’expression ni l’influence. Nous avons acquis tous les moyens d’atteindre aux plus hauts sommets : nous avons une scène devant laquelle le peuple de l’Europe entière se presse chaque soir pour apprendre, là où il n’est attiré que par un simple amusement, le mot de l’énigme de toute existence, — et vous doutez encore qu’ici seulement vous puissiez arriver au but où vous tendez vainement à travers chaque labyrinthe ?

Si nous voulons essayer de découvrir des voies salutaires à ce théâtre, dont la mission excite les plus grands doutes chez des hommes intelligents comme chez d’autres, nous avons d’abord à examiner de plus près le