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ce que les cérémonies du temple, se mouvant dans une convention symbolique, sont à la représentation d’un drame d’Eschyle. Cette floraison coïncida avec la perfection du théâtre, de telle sorte que Phidias apparaît comme le contemporain puîné d’Eschyle. L’artiste plastique ne sortit pas des chaînes de la convention symbolique avant qu’Eschyle eût transformé la danse sacerdotale en drame animé. S’il est possible que la vie moderne, réorganisée par la renaissance de l’art, ait un théâtre qui réponde à sa civilisation aussi exactement que le théâtre grec répondait à la religion grecque, alors seulement l’art plastique, comme tout autre art, sera parvenu à la source vivifiante où il s’alimentait chez les Grecs ; si cela n’est pas possible, c’en est fait aussi de l’art régénéré.

Les Italiens, chez qui l’art de la renaissance eut son origine et atteignit son apogée, ne trouvèrent pas le drame de l’Église chrétienne ; mais ils inventèrent la musique chrétienne. Cet art, aussi nouveau que le drame d’Eschyle pour les Grecs, entra dans la même corrélation avec l’art figuratif italien (notamment la peinture) que le théâtre avec l’art figuratif grec (notamment la sculpture). La tentative faite pour arriver par la musique à la reconstruction du drame antique, conduisit à l’opéra ; tentative avortée qui entraîna la ruine de la musique italienne, aussi bien que de l’art figuratif italien. Mais l’esprit populaire du protestantisme ressuscita le drame. Les troupes modernes de bateleurs se comportent envers la fête douloureusement sublime de la sainte Passion comme Thespis avec son chariot à l’égard de la fête grecque du temple : si le clergé catholique avait déjà recouru à ces saltimbanques pour donner de la vie