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VI

Assurément, le magnanime promoteur des efforts intellectuels de l’Allemagne suivit d’un regard bienveillant les essais tentés par les poètes qu’il favorisait pour se tourner enfin vers le théâtre ; il les provoqua lui-même en instituant des prix. Ce fut encore un exemple qu’il donna — et dont l’effet fut désastreux. Le théâtre resta ce qu’il était auparavant, et aujourd’hui personne ne s’imagine que, dans cet institut, réside le germe de tout développement national, poétique et moral ; que nulle autre branche de l’art ne peut arriver à une véritable floraison, à une action féconde sur l’éducation du peuple, avant que la participation toute-puissante du théâtre ait été reconnue et assurée.

Si nous entrons dans un théâtre, la moindre réflexion nous fait entrevoir aussitôt tout un abîme infernal de possibilités, depuis les plus ignobles jusqu’aux plus sublimes. Au théâtre, le Romain a ses jeux de gladiateurs, — le Grec ses tragédies, — l’Espagnol ses combats de taureaux ou ses autos, — l’Anglais les grossières plaisanteries de ses clowns ou les drames émouvants de son Shakespeare, — le Français son cancan et ses alexandrins précieux, — l’Italien ses airs d’opéra — et l’Allemand ?… Que pourrait bien célébrer l’Allemand dans son théâtre ? Nous chercherons à nous l’expliquer clairement. Pour le moment, il y célèbre — naturellement à sa façon — tout à la fois, et il y ajoute, pour être complet et produire plus d’effet, Schiller, Gœthe, et récemment Offenbach. Et tout cela se passe au milieu de circonstances de communauté et de publicité qui ne se