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qu’à montrer l’impuissance de la science et de la littérature, quand elles ne sont pas déjà soutenues par un véritable et fécond esprit populaire. Une pareille expérience dut surtout être des plus sensibles à l’excellent prince qui, précisément parce qu’il était le vrai père de son peuple, songeait moins à chercher dans la science et la littérature un agrément personnel qu’un moyen d’élever l’esprit populaire, ainsi que le prouve la fondation du Maximilianeum.

La culture particulière de la science, qui ne peut être appelée à agir jamais d’une façon immédiate sur l’esprit des masses, n’a de sens, sous le rapport du développement historique, que comme couronnement d’une éducation populaire déjà florissante; mais l’art seul est l’éducateur du peuple. C’est pour ménager une transition nécessaire que le roi Maximilien apporta une ardeur visible à encourager aussi la littérature poétique et créatrice ; c’est là aussi que l’avortement fut le plus évident. Son noble exemple était donné trop tard : l’enthousiasme qui animait encore les esprits au commencement de ce siècle, était alors éteint, une autre ère venait de s’ouvrir : c’était l’époque de l’actualité. Henri Heine nous envoyait de Paris, sa patrie d’adoption, des couplets spirituels en prose poétique allemande, et son esprit devint alors le père d’une littérature dont le caractère propre consistait dans le persiflage de toute littérature sérieuse. En même temps que les caricatures de Dantan réjouissaient le cœur des épiciers parisiens, à qui, dès lors, il fut clairement démontré que tout ce qui est grand et sérieux n’existe que pour être tourné en ridicule, les saillies de Heine divertissaient le public allemand, qui put se consoler désormais de la déca-