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sus. C’est pourquoi l’acteur est obligé de fonder son succès sur un tout autre terrain : l’actualité lui amène toujours quelque chose où il se trouve dans son propre élément ; et ici, comme dans la littérature, les rapports modernes entre l’esprit allemand contemporain et la civilisation française nous viennent encore une fois en aide. De même que là A. Dumas est germanisé, de même ici la carricature de théâtre parisienne est localisée, et selon que la nouvelle pièce locale se comporte à Paris, elle se maintient au répertoire du théâtre allemand. En outre, une étrange lourderie des Allemands produit une confusion qui doit faire supposer à notre hôte français que l’Allemand renchérit encore en frivolité sur le Parisien ; car il voit représenter, et avec une grossière maladresse, dans les brillants théâtres de cour, devant la partie privilégiée de la société, sans le moindre scrupule, crûment et naïvement, comme la polissonnerie la plus nouvelle, ce qu’on ne montre à Paris que dans de petits théâtres borgnes, à l’écart de la bonne société. Nous avons vu dernièrement Mlle Rigolboche, un être qui ne se comprend qu’à Paris, appelée à reproduire, sur un théâtre de Berlin dont l’affiche la désignait en gros caractères comme danseuse de cancan, les danses qu’elle exécute dans sa patrie, en vertu d’un engagement spécial avec les entrepreneurs de bals publics, pour animer les lieux de divertissement les plus décriés ; un haut personnage de l’aristociatie prussienne, habitué à avoir des attentions pour le monde artistique, a eu l’insigne honneur d’aller la prendre en voiture ! Pour le coup, la presse française nous a donné quelque peu sur les ongles ; car le sentiment français se révoltait à bon droit de voir comment la civilisation