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chose ; il est l’exploiteur de la gloire et de la réputation de l’Allemagne. — Maintenant, entrons au théâtre ! Là, dans le commerce journalier, immédiat du public avec les génies de sa nation, doit assurément s’exprimer l’esprit du peuple allemand, de ce peuple si intelligent et si moral, que Benjamin Constant a pu affirmer aux Français que les Allemands n’ont pas besoin des règles françaises, parce que la bienséance est inhérente à la pureté et à l’intimité de leur être. Nous espérons qu’au théâtre notre hôte ne se rencontrera pas tout d’abord avec notre Schiller ou notre Gœthe ; car alors, il lui serait impossible de concevoir pourquoi nous avons élevé récemment au premier des statues sur les places de toutes nos villes, à moins de supposer que nous l’avons fait uniquement pour en finir une bonne fois d’une manière très-convenable avec ce brave homme dont les services étaient incontestables. En voyant nos grands poètes sur la scène, il serait frappé surtout du rhythme singulièrement traînant de la récitation ; il se croirait obligé d’en chercher une raison de style, jusqu’au moment où il découvrirait que cette lenteur d’articulation provient uniquement de la difficulté pour l’acteur de suivre le souffleur ; car cet artiste mimique n’a évidemment pas le temps d’apprendre ses vers par cœur ; il est engagé pour présenter, dans le courant de l’année, au public abonné du théâtre allemand, à peu près tous les produits de la littérature dramatique de tous les temps et de tous les peuples, de tous les genres et de tous les styles. La tâche du mime allemand ayant une extension si démesurée, il ne peut naturellement être question de savoir comment il la remplit ; la critique et le public passent aussi parfaitement là-des-