Page:Wagner - Art et Politique, 1re partie, 1868.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 17 —

cruauté la mieux calculée n’aurait pu agir plus ingénieusement pour démoraliser et tuer l’esprit artistique de l’Allemagne ; mais il n’est pas moins horrible d’admettre que peut-être la pure stupidité des souverains et leur soir triviale de plaisirs ont causé tous ces ravages. Après un demi-siècle, on en voit assez clairement les résultats dans la situation de la vie intellectuelle du peuple allemand.

Le Français dégoûté de sa propre civilisation a lu le livre de Mme de Staël sur l’Allemagne, le rapport de Benjamin Constant sur le théâtre allemand ; il étudie Gœthe et Schiller, entend Beethoven, et croit qu’il lui est désormais impossible de se tromper, lorsque, en prenant réellement et exactement connaissance de la vie allemande, il cherche à y trouver une consolation et une espérance pour l’avenir de son propre peuple. Notre hôte se tourne donc vers l’art et remarque tout d’abord que, sous ce nom, les Allemands comprennent seulement la peinture et la sculpture, parfois aussi l’architecture : il connaît, de cette époque de la régénération, les belles productions destinées à la culture de ce côté de l’esprit artistique allemand ; mais il s’aperçoit que ce qui était traité alors avec un sérieux vraiment grand, par le noble P. Cornelius, par exemple, n’est plus à présent qu’un plaisant prétexte pour viser à l’effet ; or, en ce qui concerne l’effet, notre Français sait qu’on s’y entend supérieurement chez lui. Il regarde ensuite du côté de la littérature ; ici, du moins, on doit trouver de l’esprit allemand ; quoique la plupart des livres ne soient que des traductions, on doit enfin voir ici ce qu’est l’Allemand en dehors d’Alexandre Dumas et d’Eugène Sue ? Vraiment oui ; il est encore quelque