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allemand ? Comment n’a-t-elle exercé aucune influence sur l’opinion qu’ils avaient du caractère de leur peuple ? De quelle façon s’expliquer cet aveuglement incroyable qui les empêcha même de tirer parti du mouvement, au profit de leur politique dynastique ?

Au fond, les cours ne comprenaient plus autre chose, sous le nom de culture des arts, que l’inti’oduction d’un ballet français ou d’un opéra italien, et, à le bien prendre, elles en sont encore là aujourd’hui : Dieu sait où et comment Gœthe et Schiller se seraient consumés, si le premier, né avec de la fortune, n’avait eu pour ami personnel un petit prince allemand, le prodige de Weimar, et si, finalement, il n’avait pu, dans cette position, faire aussi quelque chose pour Schiller. Il est probable qu’ils n’auraient pas échappé au sort de Lessing, de Mozart et de tant de nobles ! Seulement, l’adolescent allemand n’était pas homme à avoir besoin de la faveur des princes dans le sens d’un Racine ou d’un Lully ; il était appelé à secouer « le joug des règles ». Un homme d’État intelligent reconnut cette vocation au moment de la détresse la plus pressante ; et, lorsque toutes les troupes mercenaires des monarques, régulièrement dressées, eurent été entièrement défaites par le chef de l’armée française, lequel ne se présentait plus en civilisateur, mais en foudre de guerre, on invoqua le secours de l’adolescent, afin qu’il montrât, les armes à la main, de quelle nature était cet esprit allemand qui était ressuscité en lui. Il prouva sa noblesse au monde. Il gagna ses batailles au son de la lyre et de l’épée. Le César gaulois dut se demander avec surprise pourquoi il ne parvenait plus à vaincre les Cosaques et les Croates, les soldats de la garde impériaux et royaux.