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l’esprit restait libre, même sous la perruque d’allonge française. Honneur à vous, Winkelmann et Lessing, qui, au-delà des siècles de votre propre splendeur nationale, avez découvert et reconnu les divins Hellènes, vos parents primitifs, et avez révélé le pur idéal de la beauté humaine aux regards aveuglés de l’humanité civilisée à la française ! Honneur à toi, Gœthe, qui parvins à marier Hélène à Faust, l’idéal grec à l’esprit allemand ! Honneur à toi, Schiller, pour avoir donné à l’esprit régénéré la forme de l’adolescent allemand qui regarde avec mépris la suffisance britannique et les séductions parisiennes ! Qui était cet adolescent allemand ? A-t-on jamais entendu parler d’un adolescent français ou anglais ? Et pourtant, comme nous le comprenons sur-le-champ, de la manière la plus claire et la plus saisissante, cet adolescent qui, dans la chaste mélodie de Mozart, faisait rougir de honte le castrat italien, et, dans la symphonie de Beethoven, acquérait un courage viril pour accomplir des hauts faits rédempteurs du monde ! C’est lui qui, au moment où ses princes avaient tout perdu, l’État, le pays, l’honneur, se précipita enfin sur le champ de bataille pour reconquérir au peuple sa liberté, aux princes eux-mêmes leurs trônes disparus. Et comment cet adolescent fut-il récompensé ? Jamais il n’y eut de plus noire ingratitude que la trahison des princes allemands envers l’esprit de leur peuple, et, pour l’expier, il faudra plus d’un acte de bonté, de noblesse et de dévouement de leur part. Nous comptons sur ces actes, et c’est pourquoi nous montrons la faute sans ménagement.

Comment a-t-il été possible aux princes de ne tenir aucun compte de cette glorieuse régénération de l’esprit