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sente donc à nous ; une étude plus attentive nous montrera si nous nous sommes trompés lorsque, en la considérant de notre point de départ, l’art allemand, nous lui avons donné une importance si haute et si sérieuse.

II

C’est pour nous un sujet d’orgueil et d’encouragement de voir que l’esprit allemand, quand il se releva de son profond affaissement au milieu du siècle dernier, n’eut pas besoin d’une nouvelle naissance, mais seulement d’une régénération : il put tendre la main, par-dessus deux siècles perdus, au même esprit qui naguère avait répandu ses germes vigoureux en longues ramifications sur le Saint-Empire romain de nation allemande, et dont nous serons loin de dédaigner l’action, même sur la constitution plastique de la civilisation européenne, si nous nous rappelons que le beau costume allemand, si docile aux caprices de l’imagination individuelle, fut alors adopté par tous les peuples de l’Europe. Considérez deux portraits : ici Durer, là Leibnitz ; comme cette comparaison éveille en nous l’affreuse image de notre époque de décadence ! Gloire aux généreux esprits qui en ont les premiers senti toute l’horreur et qui ont reporté leurs regards au-delà des siècles pour pouvoir se reconnaître eux-mêmes ! Alors, il se trouva que ce n’était pas la mollesse qui avait plongé le peuple allemand dans sa misère : il avait soutenu sa guerre de Trente Ans pour la liberté d’esprit ; cette victoire était remportée, et si le corps était épuisé par ses blessures et la perte de son sang,