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siècle dernier, où nous voyons en rougissant que des princes allemands furent captivés et éloignés du peuple allemand par des danseuses françaises et des chanteurs italiens, à peu près comme, aujourd’hui encore, des princes nègres sont séduits par des verroteries et des grelots. Une lettre du grand Napoléon à son frère qu’il avait institué roi de Hollande, nous apprend comment il fallait procéder à l’égard du peuple à qui l’on finit par enlever tout à fait les princes qui lui étaient devenus indifférents : Napoléon reprochait à son frère de faire trop de concessions à l’esprit national de ses sujets, tandis que, si le pays avait été mieux francisé, il aurait pu ajouter à son royaume un morceau du nord de l’Allemagne : puisque, dit la lettre, c’eût été un noyau de peuple, qui eût dépaysé davantage l’esprit allemand, ce qui est le premier but de ma politique. — Voilà donc en présence, dans toute leur nudité, cet esprit allemand et la civilisation française ; puis, entre eux, les princes allemands dont parle la strophe de Schiller.

Il n’est certes pas sans profit d’examimer de près ces rapports entre l’esprit allemand et les princes du peuple allemand ; cet examen pourrait bien nous conduire à une grave question. Car nous serons nécessairement amenés au point où, dans la lutte entre la civilisation française et l’esprit allemand, il s’agira de la question du maintien des princes allemands. Si les princes ne sont pas les représentants fidèles de l’esprit allemand ; s’ils aident, sciemment ou non, au triomphe de la civilisation française sur l’esprit allemand encore si tristement méconnu et dédaigné par eux, leurs jours sont comptés, que le coup vienne d’un côté ou de l’autre. Une question décisive pour l’histoire du monde se pré-