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de cette sainte existence. Voilà comment j’accepte les espérances de mes amis de Paris, notamment celles de mon directeur ; et, comme toutes ces splendeurs, hélas ! se font quelque peu attendre, je ne suis pas éloigné de me vendre à un général russe,[1] qui doit bientôt venir ici m’engager pour une expédition de Tannhäuser à Pétersbourg. Je vous en prie, veuillez en rire avec moi : on ne peut vraiment pas me sauver autrement de ces contradictions ridicules, où me laisse ce monde qui a besoin de rédemption, moi, le sauveur attendu !

Cependant, il me faut faire provision de bonne humeur pour écrire… un grand ballet. Qu’est-ce que vous dites de cela ? Vous doutez de ma parole ? Vous me ferez des excuses, un jour, quand vous le verrez et l’entendrez. Pour le moment, je ne vous dis que ceci : pas une note, pas un mot ne sera changé dans Tannhäuser. Mais il fallait absolument qu’il y eût un « ballet », et ce ballet devait se trouver au deuxième acte, parce que les abonnés de l’Opéra viennent toujours un peu en retard au théâtre, après avoir dîné copieusement, et jamais pour le lever du rideau. Je déclarai que je ne pouvais pas me soumettre aux lois du Jockey-Club et que je retirerais mon ouvrage. Pourtant je

  1. M. de Sabouroff, directeur du théâtre impérial ; voir Glasenapp, II, 2. 260.