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il faut que j’en sois encore bien aise. Avec vous cependant, je ne veux pas être si malhonnête.

Vous savez, mon enfant, que je ne regarde ni à droite ni à gauche, ni devant ni derrière, que le temps et le monde me sont indifférents et qu’une seule chose me détermine, la nécessité de décharger mon âme : donc vous savez aussi la seule chose qui me tienne au cœur. Si pourtant il en était autrement, si ma provision intérieure était déjà épuisée et si je n’avais plus qu’à regarder autour de moi pour voir le succès de mes œuvres, les situations que je crée, l’importance que je puis avoir, j’aurais alors assez de sérieux et édifiants amusements. Je ne puis donner un démenti à mes nouveaux amis français qui voient dans la possibilité, dans la certitude prévue de la grande impression que fera bientôt Tannhäuser sur le public parisien, un événement d’une importance inouïe et y attachent un prix incomparable.

Quiconque observe avec sang-froid la vie d’une nation aussi douée, mais aussi incroyablement négligée que les Français, et peut s’intéresser à tout ce qui lui semble utile pour le développement et l’ennoblissement de ce peuple, je ne saurais le blâmer, après tout, s’il aperçoit dans l’accueil fait à un Tannhäuser français une véritable question de vie ou de mort pour la culture possible de ces gens-là. Songez donc