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miracle, ce qu’il y a de plus noble, devait devenir Vérité,[1] un jour ; et le vrai n’est si incompréhensible que parce qu’il est tellement unique. Jouissons de ce haut bonheur ; il n’a point d’utilité et n’est là pour rien : on ne peut que le goûter, et seulement ceux-là peuvent le goûter qui ne font qu’un avec lui.

Soyez les bienvenus en terre française, maintenant : le poëte des Nibelungen vient à vous et vous tend la main. Mon cordial et joyeux salut vous accompagne pendant votre voyage vers l’Italie ; vous allez à la rencontre d’une jouissance que je ne dois pas goûter et que je vous souhaite double : jouissez pour moi aussi de la douceur du ciel, de la poésie du paysage, du passé vivant, et soyez de la sorte deux fois heureux. Quel bonheur ineffable j’aurais à être avec vous !…

Il ne me reste plus rien d’autre qu’à faire un dernier effort, un effort énergique, pour vaincre, une fois pour toutes, un éternel obstacle de la vie. Si désolée, si déséquilibrée que soit ma situation, j’ai pourtant compris que beaucoup de choses peuvent devenir acceptables et supportables, si j’arrive à me procurer les moyens extérieurs nécessaires pour déterminer en tout temps mon genre de vie, mes projets, mes actes, d’après mes besoins et mon bon

  1. Wagner fait ici allusion au Christ.