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dans ses dernières vibrations, restait claire et distincte… Il doit faire un excellent Roi Henri. Aussi je me réjouissais de voir sa taille vigoureuse, qui semble résistante au moins. Il chante continuellement, tantôt ici, tantôt là ; mais ses programmes sont effroyables, conçus pour flatter les goûts d’un public tout ordinaire. On donna aussi quelques fragments d’Orphée et Eurydice de Gluck, qui me firent grande impression. Superbe est le passage où Orphée descend dans l’Orcus, et où les esprits infernaux lui crient, d’une voix tonnante : « Non ! non ! » Les accords de la harpe interviennent au milieu de cela avec une telle noble tendresse, qu’ils nous enseignent à croire au triomphe final du Beau. Je voudrais bien voir l’œuvre entière. Madame Wille était venue au concert également et logeait chez nous. Elle m’a chargé de beaucoup de compliments pour vous. Je l’ai enchantée avec l’Or du Rhin. Le dimanche matin, nous déjeunâmes sur la terrasse du nord, et parlâmes beaucoup de vous. Pour prendre le repas avec nous viennent Keller, le Dr Wille, Köchly et sa femme, et la vieille demoiselle Ulrich, dont vous vous souvenez encore probablement. Son originalité nous plaît beaucoup… Je bavarde et bavarde : peut-être cela fait-il plaisir à l’ami, qu’on lui rappelle au moins le bon temps d’autrefois. Il sait beaucoup de choses, mais ce qui est gris et triste, Dieu merci, il ne le sait pas encore. Flux et