tement sur le Grand Canal, dans un immense palais, où je suis, pour le moment, tout seul. Pièces vastes et grandioses, où je puis faire les cent pas bien à l’aise. Mon installation devant servir d’enveloppe au mécanisme de mon travail, j’y attache beaucoup d’importance et j’ai soin de la parfaire à mon goût. J’ai écrit pour que l’on m’envoie mon Érard. Il sonnera magnifiquement dans ma vaste et haute salle de palais. Le grand silence, qui est la vraie atmosphère du Canal, me dispose à merveille. Vers cinq heures du soir seulement, je sors pour aller dîner ; puis une promenade au Jardin Public, avec court arrêt sur la place St Marc. Elle produit un effet théâtral par son caractère particulier, et sa foule de promeneurs, qui m’est complètement inconnue, me laisse même indifférent, ne fait que divertir mon imagination. Vers neuf heures, je reviens en gondole ; j’allume ma lampe et je lis un peu avant de me coucher. —
Ainsi ma vie extérieure s’écoulera et c’est bien ce qu’il me faut. Malheureusement ma présence est déjà connue ; mais une fois pour toutes, j’ai donné ordre de ne recevoir personne. Cette solitude, qui ne m’est presque possible qu’ici — et si délicieusement possible ! — me sourit et caresse mes espérances. Oui ! j’ai l’espoir de guérir pour toi ! Te conserver pour moi, cela signifie me garder pour mon art ! Vivre avec