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d’une violente crise de nostalgie, et un cruel dégoût de la vie s’était emparé de moi. —

24 Août.

Hier, je me sentais profondément misérable. Pourquoi vivre encore ? Pourquoi donc vivre ? Est-ce lâcheté ?… Ou bien courage ?… Pourquoi cet immense bonheur, pour être infiniment malheureux ? La nuit qui vint, je dormis d’un bon sommeil. Aujourd’hui, j’allais mieux. J’ai fait faire ici un beau portefeuille à fermoir, dans lequel je conserverai les lettres et souvenirs de toi : il peut en contenir beaucoup et ce qui y entrera, une fois entré, n’en sortira plus jamais ; on ne rend rien aux enfants méchants ! Donc réfléchis bien à ce que tu m’enverras encore : rien ne te sera plus rendu… qu’après ma mort, à moins que tu ne me permettes d’enfermer tout cela avec moi dans la tombe… Demain je pars, tout d’une traite, pour Venise. Une envie folle m’y attire ; j’espère pouvoir y goûter l’absolu repos. Quant au voyage même, je ne l’accomplis qu’à contrecœur. Aujourd’hui il y a déjà toute une semaine que j’ai contemplé ta terrasse pour la dernière fois !…

Venise, 3 Septembre.

Hier, je t’ai écrit, ainsi qu’à notre amie.[1] À tel point je fus longuement absorbé par le

  1. Madame Wille. Ces deux lettres n’ont pas été retrouvées.
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