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parce que mes prisonniers, Tristan et Isolde, doivent bientôt se sentir complètement libres. Je me sacrifie maintenant avec eux pour jouir plus tard avec eux de la liberté. Je suis heureux dans mon travail au moins tous les deux jours : dans l’intervalle cela ne va pas aussi bien, car la journée heureuse me rend arrogant et alors j’en arrive à me surmener. La crainte de mourir avant la dernière note écrite m’a abandonné cette fois-ci. Au contraire je suis tellement certain d’achever l’œuvre que, avant-hier, au cours de ma promenade, je composai un « lied » populaire dans ce goût :

« Au Schweizerhof, à Lucerne,
Loin de chez eux, de leur pays.
Trépassèrent Tristan et Isolde,
Lui si triste, elle si belle :
Ils moururent libres, désireux de la mort.
Au Schweizerhof, à Lucerne,
Tenu par Monsieur
Le colonel Siegessern ».

Cela fait très bien, chanté sur une mélodie populaire. Le soir Vreneli[1] l’entendit. Je l’aurais donné au propriétaire s’il ne m’avait pas interdit la « marquise. » Vreneli est ici mon ange-gardien : elle intrigue et fait tout pour m’épargner d’être dérangé par les voisins

  1. Verena Weitmann entra plus tard au service de Wagner à Munich et à Tribschen. Voir Glasenapp, III, 1, 459.
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