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82.

Lucerne, 9 Juillet 59.

C’était bien bon de votre part, chère enfant, de me donner de vos nouvelles. Voyons ce que je puis vous dire de moi-même en échange. Le retour du cousin vous apportera sans doute beaucoup de nouvelles, et volontiers je voudrais entendre aussi ce qu’il racontera de ma ville natale et du pays de ma jeunesse. Il a été à Dresde vraisemblablement ? Il a manqué Lohengrin là-bas ; d’après ce que j’apprends, on ne le donnera plus que dans la seconde quinzaine de ce mois. Dans l’intervalle, j’ai passé par nombre d’expériences. Avant tout : il y a aujourd’hui huit jours, j’ai déménagé, c’est-à-dire qu’on m’a fait déménager, à l’hôtel primitif no. 7, deuxième étage, dans « l’indépendance ». Je me fais l’effet d’être passablement dégradé, à peu près comme le comte Giulay après Magenta. Impossible de songer même à mon beau et confortable salon de la « dépendance ». Le plus pénible est qu’il me faut renoncer ici à ma « marquise » : le propriétaire, ce monstre de républicain, m’interdit sa société. C’en est donc fait de ma belle heure matinale devant la fenêtre ouverte : un volet tenu fermé me dérobe la vue du soleil, et je pourrais presque m’imaginer que je suis en prison. Vous voyez maintenant que je ne suis pas encore si amolli et gâté, que de nombreuses personnes voudraient le faire croire. Tout cela je le supporte avec bonne humeur,

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