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Tel est mon désir. La réalisation en est-elle possible, je l’ignore. Car je sais suffisamment ce qui peut faire perdre le goût d’un projet aussi aventureux, et je pense que je dois mes bonnes dispositions pour le travail à la crise de mélancolie désespérée par laquelle il me fallut passer préalablement. Ce que je vous ai écrit à propos de Herwegh était sans doute fort confus ; je me le suis dit en vous expédiant la lettre, et je relus l’article de Herwegh, ce qui me prouva que j’avais dans ma lettre désigné une autre personne que lui. Laissons cela, et pensons encore au « branlement de menton » de Shakespeare. Ceci et « la cire d’oreille en place de cervelle » sont de ces bons mots qui me frappent tant chez cet auteur ; il n’y avait que lui pour voir aussi bien le néant du monde et trouver ces traits d’esprit si originaux.

Mais laissons cela également, car même en ceci notre subjectivité peut avoir une trop grande part. Ce que je voulais vous dire surtout, c’est que je me figure pouvoir achever la composition de mon acte d’un seul trait, rapide comme la foudre ; hier tout se présentait à moi, on eût dit à la lueur d’éclairs. Sans doute vous réjouissez-vous de ce qui me fait persister à demeurer chez moi, et me félicitez de mon courage à ne point répondre à votre invitation. Il y a encore une arrière-pensée d’épicurisme en cela : il me semble notamment que je devrai

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