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ment franchi la limite où la pure amitié se mue en passion, reculent au moment suprême devant l’abîme au bord duquel ils sont parvenus ; comment, conscients de l’impossibilité d’une union fondée sur une laide trahison ou une coupable désertion, ils s’arrêtent, dans l’angoisse de leur cœur, au seul parti possible : le renoncement définitif et total. Nous voyons Wagner, l’âme meurtrie, quitter volontairement et pour toujours « l’Asile » où il croyait avoir fondé son foyer, rompre à jamais le lien précaire qui l’unissait encore à sa femme, s’arracher en même temps du voisinage de son amie, avant qu’une catastrophe irréparable n’eût brisé sa vie, chercher dans la solitude la guérison et l’apaisement. Ainsi il s’est surmonté, « dépassé », achetant au prix de la résignation absolue le droit de revoir ensuite, le front haut, celle dont la destinée le séparait si douloureusement ici-bas…

Rien de plus émouvant dans sa simplicité que cette brève et mélancolique histoire d’amour. Pas de complications psychologiques : rien que les sentiments les plus élémentaires de l’âme humaine, l’impossible amour et le renoncement. Pas d’événements retentissants ; nul romantique adultère, nul conflit de volontés, nul suicide tragique ; pas même de désespoir éternel. Wagner note bien que ses cheveux ont blanchi dans ces semaines d’angoisse. Mais il a sur-

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