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figure que le cher Guido ne doit point t’empêcher de le tenir entièrement pour celui-ci. Crois-moi, c’est tout à fait Guido ; seulement — il a un autre visage. Puisqu’il a donc un autre visage, il regardera un jour les choses dans le monde autrement que Guido les eût regardées. C’est là l’unique différence et, au fond, cela n’importe pas tellement que l’on croit d’ordinaire, quoique cela donne lieu, parfois, à un peu de confusion. Elle provient le plus souvent de ce que les hommes se voient tous avec d’autres visages, ils croient alors que tous sont quelque chose d’autre, et chacun à part soi se prend pour le seul vrai. D’ailleurs cela passe, et quand il s’agit de la chose principale, de rire ou de pleurer, alors on rit ou on pleure avec sa figure, tout aussi bien que l’autre, et, quand nous serons morts, un jour, ce qui peut pourtant arriver finalement, nous serons tous fort heureux d’avoir, chacun de nous, un visage comme papa m’a écrit que le cher Guido en avait un. Donc tiens Karl fermement et fidèlement toujours pour Guido ; celui-ci voulut seulement donner à sa petite figure le beau repos que la plupart des hommes ne peuvent obtenir qu’après avoir beaucoup ri et pleuré, après avoir fait d’autres grimaces encore. Mais, un jour, chacun doit obtenir le repos, s’il est vraiment bon et aimable. Karl veut d’abord pleurer et rire beaucoup ; il veut le faire en

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