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sommes en lutte avec ces éléments seuls. Ainsi j’ai à lutter quotidiennement, et presque toujours contre les conditions fondamentales purement physiques de mon existence. Je ne suis point maladif, mais extraordinairement sensitif, de sorte que j’éprouve douloureusement tout ce qui n’entrerait même pas dans le domaine de ma conscience, si j’avais moins de sensibilité. Evidemment je dois bien me dire, que cette cause de mon état de malaise disparaîtrait, pour la plus grande part, si ma sensibilité, à ce point excessive, était distraite et agréablement absorbée dans l’entourage où je vis par un élément, qui me revient en toute justice peut-être, et qui me fait défaut absolument. Il me manque un milieu aimant et sympathique, pour attirer ma sensibilité, la captiver, comme une sentimentalité à conquérir doucement. Amie ! — ceci soit dit avec le plus grand calme, en souriant — quelle misérable existence je mène ! Certes, il ne me faut pas lire la biographie de Humboldt, si je veux me réconcilier avec ma destinée !

Vous le savez bien ! Je ne le dis pas non plus pour exciter la compassion, mais — je vous le répète, précisément parce que vous le savez ! —

Je ne puis plus arriver à la vraie joie, qu’en atteignant le dernier sommet de mon ascension. Mais, justement, il est difficile d’y atteindre, d’autant plus difficile, que le but est plus élevé. Figurez-vous exactement la courte durée de

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