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et les désirs, où le besoin instinctif de l’activité ne trouve aucun ferme point d’appui, où tout est interdit, arrêté, où rien n’est autorisé, où rien ne s’harmonise, où donc naissent le vide, le désespoir, le désir, la nostalgie — la volonté. Il n’est accordé à aucun mortel de vivre toujours suivant son véritable être supérieur ; toute son existence repose en réalité sur une lutte continuelle avec les conditions inférieures de la possibilité de cette existence même, oui, sa nature supérieure ne peut se faire jour que par la victoire finale dans cette lutte, elle n’est autre que cette victoire même ; donc la force qui conduit à cette victoire n’est, au fond, rien qu’une négation perpétuelle, à savoir une négation de la puissance de ces conditions inférieures. Et ceci apparaît déjà très ostensiblement dans la seule conformation physique de notre corps, où, éternellement, toutes les parties, même les éléments primordiaux, du tout aspirent à la dissolution, à la séparation, ce qui réussit, finalement, dans la mort physique, aux différentes parties du corps, quand la vie, usée par la continuité de la lutte, a enfin perdu sa force. Nous avons donc toujours à lutter pour être seulement ce que nous sommes ; et, plus inférieurs sont les éléments de notre existence à qui nous avons à imposer la soumission, moins dignes nous nous présentons probablement de notre être le plus élevé, au moment même où nous

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