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avenir. À présent, me voici anobli : j’ai reçu l’investiture de la plus haute chevalerie. Ton cœur, tes yeux, tes lèvres — m’ont ravi au monde. Chaque parcelle de mon moi est libre et noble maintenant. Comme parcouru d’un frisson sacré devant ma gloire, j’ai le souvenir d’avoir été aimé par toi avec une si douce tendresse, et cependant d’une façon si pudique ! Ah ! je le respire encore, le parfum ensorcelant de ces fleurs, que tu m’apportais de ton cœur : ce n’étaient pas des germes de vie ; ainsi embaument les fleurs surnaturelles de la mort divine, de la vie éternelle. Ces fleurs ornaient jadis le corps du héros, avant qu’il fût converti par les flammes en cendres divines ; dans cette tombe de flammes et de senteurs se précipita l’amante, pour unir ses cendres à celles du bien-aimé. Ils furent un alors, un seul élément. Non plus deux êtres vivants : une substance divine et primordiale de l’Éternité ! — Non ! ne les regrette jamais ! Ces flammes, elles brûlèrent lumineuses et pures ! Non pas un brasier ténébreux, des senteurs acres, de lourdes vapeurs : la flamme claire et pudique, qui pour aucun être, avant toi et moi, n’avait lui avec une telle splendeur, et que nul être ne peut s’imaginer. — Ces témoignages d’amour sont la couronne de ma vie, ces roses de délices, qui ont fleuri sur la couronne d’épines, jusque-là seule parure de mon front. Maintenant je suis fier et heureux !

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