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rible m’apparut, avec une clarté presque visible, l’axe véritable de ma vie, autour duquel ma résolution a tourné de la mort à la vie nouvelle : c’était toi ! — Toi !… Il me semblait qu’un sourire planait sur moi : — ne serait-ce pas une félicité plus grande, de mourir entre tes bras ?…

. . . . . . . . .

Il ne faut pas m’en vouloir, mon enfant ! « Une larme a coulé ; la terre m’a reconquis !… »[1] Jour de toutes les âmes ! Jour de résurrection ! J’écris aujourd’hui à Heim,[2] qu’il me procure la « passe » pour mon Érard ; je veux m’en servir, à l’effet d’introduire cependant l’instrument en Suisse une nouvelle fois sans acquitter de droits de douane. Depuis cette nuit, le « cygne » a perdu beaucoup de sa signification ; vaut-il assez pour que je puisse t’en promettre encore de la joie ?

Oui, c’est dur, bien dur, mon enfant chérie ! Mais nous sommes assez riches pour acquitter notre dette de vie, et conserver encore pour nous le bénéfice le plus immense. Mais, n’est-ce pas ? Tu me réprondras ? Et — si je ne puis te procurer la « guérison », du moins tu ne dédaigneras pas mon « baume » ?

  1. Citation du Faust, de Gœthe.
  2. Directeur de musique à Zurich.
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