Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

serait-ce possible ? Mes larmes amères coulent, comme un torrent tumultueux : — est-ce là ce qui pourrait te guérir ?… Je sais, ce sont les larmes d’un amour, tel qu’on n’en vit peut-être jamais : dans ces larmes me paraît ruisseler toute la détresse du monde. Et cependant, l’unique félicité, que je puisse éprouver aujourd’hui, elles me la donnent ; elles me donnent une profonde, une absolue certitude, un droit indestructible, inattaquable. Ce sont les larmes de mon éternel amour pour toi. Est-ce qu’elles pourraient te guérir ?… Ô ciel ! plus d’une fois je fus sur le point de partir, sans perdre une seconde, pour aller te rejoindre. Y renonçai-je par souci de moi-même ? Non ! Assurément non ! Mais par souci de tes enfants !… Pour l’amour d’eux, encore et toujours : courage !… Ce ne sera plus long. Il me semble, oui vraiment, que je pourrai bientôt me présenter à toi, entouré de plus de beauté, enveloppé d’un charme plus grand, en un mot plus digne de toi : je le voudrais tant !… Mais qu’est-ce donc que vouloir ?…

Non ! non ! Ma douce enfant ! Je sais tout ! Je comprends tout : — je vois clairement, tout à fait clairement, la situation… ! C’est à devenir fou !… Laisse-moi maintenant en finir ! Non pour chercher le repos, mais pour me plonger dans la volupté de ma douleur !… Ô ma chérie !… Non ! Non ! il ne te trahira pas, lui !… Jamais, jamais !

— 100 —