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charges de cette détresse pour réaliser tes visions, dans ce monde elle ne t’appartiendra pas ! Mais toutes les insultes, toutes les tortures, toutes les incompréhensions dont tu souffres, — cette atmosphère l’enveloppe aussi ; elle appartient à cela et cela a des droits sur elle. Pourquoi trouve-t-elle aussi le bonheur dans ton art ? ton art appartient au monde ; et elle appartient aussi au monde ! »

Oh ! si vous autres, savants bornés, vous compreniez le Bouddha, grand et aimant, vous vous émerveilleriez de la profondeur d’intuition qui lui montrait l’art comme l’obstacle le plus invincible pour arriver au bonheur ! Croyez-moi ! je puis vous l’affirmer !

Heureux Ananda, heureuse Savitri ! —

6 Octobre.

Le piano vient d’arriver, d’être déballé, installé. Pendant qu’on l’accordait, j’ai relu ton journal du printemps. Là aussi je retrouve l’Érard. — Depuis son arrivée, je me sens fort ému. À l’acquisition de cet instrument se rattache une circonstance significative. Tu sais depuis combien de temps je souhaitais vainement le posséder. Lorsque, en Janvier dernier, j’allai à Paris,[1] — tu sais pourquoi ? — étrangement m’obsédait l’idée de faire démarche sur

  1. Voir Glasenapp, II, 2, 173, 179.
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