Que fera donc Chah-Jehan, ce Roi malheureux, qui voit que ſes fils n’ont point de reſpect pour ſes ordres, qui apprend à toute heure qu’ils avancent à grandes journées vers Agra à la tête de leurs Armées, & qui cependant ſe voit malade entre les mains de Dara, c’eſt à dire d’un homme qui ne reſpire que la guerre, qui s’y prepare avec tout l’empreſſement imaginable, & avec toutes les marques d’un furieux reſſentiment contre ſes frères ? Mais que pourroit-il faire en cette extrémité ? il faut qu’il leur abandonne les treſors, qu’il ſouffre qu’ils en diſpofent à leur gré ; il faut qu’il faſſe venir ſes anciens & ſes plus affidez Capitaines, qu’il ſçait pour la plûpart n’être pas trop affectionnez à Dara, qu’il leur commande d’aller combatre pour Dara, contre ſon ſang, contre ſes enfans, & contre ceux enfin pour qui il a plus d’eſtime que pour Dara. Il faut tout à l’heure qu’il envoye une Armée contre Sultan Sujah, parce que c’est lui qui s’eſt le plus avancé, & qu’il ſe diſpoſe d’en envoyer une autre contre Aureng-Zebe & Morad-Bakche qui s’avancent.
Soliman-Chekouh le fils aîné de Dara, jeune Prince d’environ ving-cinq ans,