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Histoire des États

le jeu, lors que Dara, Chah-Jehan, Sultan Sujah, & peut-être le Gouverneur de Caboul lui tendoient les mains, elle qui eût pû avec une mediocre armée & de mediocre dépence s’emparer du plus beau de l’Inde, du Royaume de Caboul juſques à l’Indus & au delà, & ſe faire ainſi Arbitre de toutes choſes ? Neanmoins il falloit bien qu’il y eût des termes piquans dans ces lettres du Roi de Perſe, ou que l’Ambaſſadeur eût fait ou dit quelque chofe qui deplût à Aureng-Zebe, car deux ou trois jours après qu’il l’eut congedié il fit courir le bruit qu’il avoit fait couper les jarrets aux chevaux qu’il lui avoit preſentés, & lors qu’il fut ſur la Frontiere il lui fit rendre tous les Eſclaves Indiens qu’il emmenoit. Il est vrai qu’il en avoit une prodigieuſe quantité ; il les avoit eu preſque pour rien à cauſe de la famine, & on accuſoit même ſes gens d’avoir dérobé pluſieurs enfans.

Au reſte Aureng-Zebe ne s’eſt point tant piqué d’honneur, ni ſi fort embaraſſé avec cet Ambaſſadeur comme fit autrefois Chah-Jehan en pareille rencontre, avec celui que lui envoyoit le grand Chah-Abas. Quand les Perſiens ſont

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